De fortes pressions s’exercent sur la coopération internationale (CI) au niveau fédéral avec des menaces d’importantes coupes budgétaires pour la période 2025-2028. Lors du café-débat du 26 septembre et de la Conférence annuelle du 15 octobre, des représentant·e·s de la DDC ont exposé les enjeux des débats parlementaires concernant le budget de la CI, dont les répercussions sur les contributions aux ONG pourraient aller de -8 à -20%. L’incertitude demeurera jusqu’aux votes finaux des Chambres à la fin de la session de décembre. Tour d’horizon des enjeux et des défis.
La coopération au développement sous haute tension à Berne
Alors que le Parlement fédéral débat cet automne de la Stratégie de coopération internationale de la Suisse pour la période 2025-2028, déjà acceptée par le Conseil des États en septembre, de lourdes incertitudes planent sur les montants qui lui seront finalement alloués: plusieurs coupes budgétaires qui pourraient s’additionner menacent en effet les budgets destinés à la coopération au développement et aux ONG actives dans ce domaine.
Lorsque le Conseil fédéral a adopté la stratégie, en mai 2024, une enveloppe maximale totale de 11,24 milliards de francs était prévue pour la période, englobant l’aide humanitaire, la coopération au développement, la coopération économique, la promotion de la paix et des droits de l’homme. Sur ce montant: 1,5 milliard de francs ont été alloués à Ukraine; 1,6 milliard à la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, 4,2 milliards de francs pour les quatre prochaines années sont dédiés à la coopération bilatérale et se répartissent entre: les quatre régions prioritaires (Asie, Europe, région du Moyen-Orient et Afrique du Nord, Afrique subsaharienne), les programmes globaux et les contributions aux ONG suisses. Lors de la procédure de consultation, de nombreuses ONG, dont la FGC et Alliance Sud, avait contesté que le montant alloué à l’Ukraine soit pris sur l’enveloppe de la coopération internationale, plaidant pour un crédit budgétaire séparé. Elles n'ont toutefois pas eu gain de cause.
Grande incertitude
Pour expliquer les enjeux actuels aux organisations membres (OM) de la FGC et aux collectivités publiques genevoises, Pia Haenni, cheffe de la section des ONG suisses à la DDC et/ou Frédéric Noirjean, chef adjoint de cette même section, ont participé au café-débat du 26 septembre et à la Conférence annuelle du 15 octobre. Tous deux ont insisté sur la situation de grande incertitude qui prévaut actuellement: jusqu’aux votes finaux sur la Stratégie de coopération et sur les budgets 2025, fin décembre, les montants alloués à la coopération internationale et aux ONG ne seront pas connus.
Au 1,5 milliard qui sera attribué à la reconstruction de l’Ukraine sur le budget de coopération internationale au détriment du Sud global, s’ajoutent deux volets de coupes supplémentaires, attaquant la coopération internationale sur plusieurs fronts:
- premièrement, le Conseil national s’est prononcé en septembre pour une augmentation de quatre milliards de francs en faveur de la Stratégie de renforcement de l’armée; pour compenser cette hausse, un à deux milliards pourraient être prélevés sur le budget de la coopération;
- deuxièmement, sur la base d’un rapport d’experts remis en septembre dernier (Rapport Gaillard), un train d’économie de trois milliards de francs est prévu pour les années 2026-2030 sur le budget de la Confédération, afin d’assainir les finances fédérales déficitaires. Les mesures d’économies proposées par le Conseil fédéral seront mises en consultation au début 2025. Elles prévoient pour l’heure de geler la croissance annuelle des budgets de la coopération internationale liée au renchérissement. Or c’est en partie sur ces augmentations annuelles dues au renchérissement que devait être financée l’enveloppe pour l’Ukraine. Leur coupe entraînerait de facto un report et une baisse des montants globaux des autres volets de la coopération internationale.
Selon les décisions que prendront les parlementaires fédéraux, les conséquences seront lourdes pour les budgets de la coopération internationale, dont les contributions aux ONG qui pourraient être réduites de -8 à -20% dans les années à venir jusqu’en 2030. Pia Haenni et Frédéric Noirjean ont ainsi appelé les ONG à se préparer et à faire preuve de prudence dans la planification de leurs projets.
À cela s’ajoute la décision de la DDC dite de «focalisation géographique» qui limite la liberté d’utilisation des fonds pour les ONG au bénéfice d’une contribution de base. Cette décision vise à concentrer 90% des crédits dans les régions prioritaires de la Stratégie de la CI 2025-2028, en Afrique notamment. En conséquence, dès 2025, seuls 10% des fonds DDC pourront être utilisés pour les projets dans d’autres zones, comme l’Amérique latine.
Activités de plaidoyer de la FGC
Pour contrer ces coupes, la FGC a entrepris plusieurs actions: elle s’est alliée à Alliance Sud et à d’autres ONG pour mener une campagne publique afin d’alerter le public et les parlementaires; elle a publié une tribune des président·e·s des fédérations cantonales dans Le Temps, titrée «La coopération au développement, impérative en temps de polycrise»; elle a participé à plusieurs rencontres avec les collectivités publiques genevoises pour expliciter les impacts des coupes et de la «focalisation géographique»; elle était présente aux Automnales sur le stand du Canton de Genève; elle va poursuivre ses activités de lobbiysme en faveur du financement des projets en Amérique latine.
Avec cet objectif: que l’union des ONG et des citoyen·ne·s, ainsi que les échos de leurs actions de plaidoyer influencent favorablement les parlementaires et permettent de conserver une coopération au développement forte, à la hauteur de la tradition suisse dans ce domaine.